Me Olivier Baratelli se constitue contre les victimes
Alors que d’aucuns s’attendaient à une décision du juge sur la culpabilité hier à Eseka, le tribunal a reçu une lettre de constitution de Me Olivier Baratelli, l’avocat personnel de Vincent Bolloré, qui a pu obtenir un rabattement du délibéré, un renvoi d’audience « pour suite débats ». Malgré la sérénité affichée par les collectifs des avocats des victimes, de nombreux analystes estiment qu’il s’agit là d’une reprise du procès avec, certainement, une cohorte d’experts internationaux qui devraient être présentés à la barre par la nouvelle défense de Camrail. L’entreprise ferroviaire disposant « d’une puissance financière hors norme pour pouvoir convoquer le maximum d’expertises».
A la reprise de l’audience hier 10 juillet, alors que les avocats des victimes entretenaient l’espoir d’une décision du tribunal sur la culpabilité - conformément au motif du renvoi d’audience du 13 juin- le juge fait état de la constitution de Me Olivier Baratelli. L’avocat français, dans une correspondance déposée devant le tribunal, par le cabinet de Me Nyemb, représentant Camrail, signifie au tribunal que le Cabinet Baratelli s’est constitué pour défendre la filiale camerounaise du groupe Bolloré, dans ce procès qui dure depuis bientôt un an. L’avocat du barreau de Paris, demande « le rabattement du délibéré et un renvoi d’audience afin qu'il puisse obtenir » un visa et agir pour son client devant le tribunal.
La lettre de Me Olivier Baratelli va provoquer l’ire de l’accusation, surtout des collectifs Fousse et Voukeng-Tougoua représentant les victimes. Pour Me Dominique Fousse, « la lettre de constitution de Me Baratelli doit être retirée… Le Bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun n’a pas été informé » de la présence de l’avocat français. Me Voukeng soutient que « Me Nyemb ne peut pas conduire une défense sur le silence et le refus de plaider et demander à ce qu'on autorise un confrère d’intervenir pour une plaidoirie », précise l’avocat camerounais.
La lettre de constitution de Me Baratelli contestée
Les avocats de l’accusation vont par la suite émettre de sérieux doutes sur l’authenticité de la lettre de constitution de Me Baratelli, qui a été portée au tribunal par Me Massoda avocat du Cabinet Nyemb. Afin de mieux comprendre, Me Dominique Fousse demande lecture du contenu intégral de la lettre. Ce qui sera fait « à haute et intelligible voix » par le greffier audiencier, à la demande du président du tribunal. L’on y apprend clairement que l’avocat se constitue pour défendre Camrail et demande un rabattement du délibéré ainsi qu’un renvoi d’audience… Me Tougoua du Collectif Voukeng-Tougoua, toujours pour contester l’authenticité de la lettre, déclare devant le tribunal que la « lettre a été écrite à Paris le 09 juillet et ne peut être déposée à Eseka le même jour ».
Prenant la parole, Me Massoda minimise les reproches à la lettre de constitution de Me Baratelli. L’avocat martèle qu’il a été « déçu de l’attitude de ses valeureux confrères et aînés voulant entraîner le tribunal dans le procès d'une lettre de constitution ». Il ajoute qu’il a lui-même porté la correspondance devant le tribunal. Il termine en déclarant avoir l’impression « que l'on dicte au juge la prison pour les prévenus au lieu de rechercher la vérité », précise-t-il. Dans la suite des contestations de la lettre par l’accusation, Me Voukeng déclare que « le but est atteint. Réussir à faire traîner le jugement », déclare l’avocat sous un ton de reddition.
« La lettre de constitution de Me Baratelli a été déposée au tribunal en toute confraternité » dixit Me Nyemb
Au cœur de la controverse sur la constitution de Me Baratelli et ses demandes au tribunal, le procureur de la République prendra la parole pour demander au président du tribunal d’accéder à la demande de l’avocat français, mais « uniquement pour plaidoirie ». Mettant fin à la controverse, le juge demandera à la défense de préciser l’objet du renvoi. Me Nyemb prendra la parole et affirmera avant tout que le cabinet a agit en « toute confraternité ». Il déclare que « pour ce qui est de l'objet du renvoi, il revient à Me Baratelli de préciser les termes de la demande de rabattement. Et certainement qu'il voudrait bien revenir au débat ». A la suite de l’avocat, le président du tribunal prononce le rabattement du délibéré et le renvoi d’audience au 08 août prochain, à la demande de Me Olivier Baratelli.
Les prévenus absents au procès seront rattrapés le moment venu
Un autre point d’achoppement lors de cette audience du 10 juin a été la présence effective au procès des prévenus. Pour les avocats de l’accusation, il y a un risque majeur de voir l’effectif de ces derniers se réduire, au fur et à mesure, de l’évolution du procès. Dans des observations, Me Massi, du Collectif Fousse, a déclaré que M.Yetna, le conducteur du train, surnommé par l’accusation « le boucher d’Eseka », serait en ce moment à Malabo. L'avocat a par la suite demandé au procureur de prendre toutes les dispositions pour reconduire devant la justice tous les prévenus. Répondant à cette observation des avocats de l’accusation, Me Nyemb soutiendra que l’écrasante majorité des prévenus participe au procès ; avant de demander le respect de la dignité des personnes poursuivies par le tribunal. Le procureur sur cette interrogation, a rassuré les avocats de l’accusation en précisant que le tribunal dispose de tous les moyens de droit pour rattraper les prévenus absents le moment venu.
Guy Nfondop envoyé spécial à Eseka